Devoir de mémoire : pose de la plaque en hommage aux enfants juifs déportés (Les Lilas)

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Hier soir, aux Lilas, dans ma circonscription, je participais à la cérémonie de pose de la plaque commémorant la mémoire des 29 gamins lilasiens scolarisés à Romain-Rolland et Waldeck-Rousseau et déportés entre 42 et 44. C’était une très belle cérémonie, très émouvante. Près de 300 Lilasiens étaient présents sur le parvis de l’école. Le plus saisissant était de constater que des gens athées et de toutes confessions s’étaient déplacés, démontrant bien que le devoir de mémoire n’est pas l’affaire des seuls Juifs. Je félicite la municipalité des Lilas pour le travail remarquable qui a été réalisé, dans la foulée des initiatives prises par les villes du Pré Saint-Gervais et de Pantin. Je vous propose de retrouver le texte du discours que j’ai prononcé. 

Mesdames et Messieurs,

Quoi de plus beau qu’une école ? Quoi de plus beau que ce lieu d’enseignement, de savoir, d’égalité ? Quoi de plus beau que cette maison du civisme, de la culture de la différence, de l’apprentissage du vivre ensemble ?   

Oui, quoi de plus beau que le petit bout de République devant lequel nous nous trouvons ce soir, ici à Romain-Rolland ?  Et pourtant…

Et pourtant, il y a plus de 60 ans, dans cette école, comme dans bien d’autres, se déroulait le crime le plus abject qu’ait connu notre pays. Il y a plus de 60 ans, ici à Romain-Rolland, sur le sol que nous foulons de nos pieds, des enfants juifs étaient traînés à terre, hurlant de peur, de souffrance et d’incompréhension devant l’incompréhensible.

Vivant au cœur de cette Europe (celle qui a su construire la paix des peuples), de ce pays (celui des Lumières et de l’Universalisme), de ce département (celui de la jeunesse et de la diversité) et de cette ville (celle de la vie douce), il est parfois difficile – notamment pour les plus jeunes – de croire que des enfants innocents y furent raflés, déportés, exterminés.   Alors si nous sommes aujourd’hui réunis devant cette école, c’est pour dire que nous ne voulons rien oublier.  Nous ne voulons rien oublier de ces 29 enfants lilasiens qui un jour, ont eu le malheur de naître Juifs et qui l’ont payé de leur trop courte vie. Nous ne voulons rien oublier des persécutions, de la traque et du destin brisé de 6 millions de Juifs. Nous ne voulons rien oublier du visage hideux qui était celui de l’État en ces instants terribles où la capitulation, la détresse, l’humiliation le jetèrent dans les bras de l’occupant. Et pour ne rien oublier, il faut dire la vérité, transmettre la mémoire, rappeler à chacun et d’abord aux plus jeunes, que le pire n’est jamais loin et que la liberté est un combat sans fin. Ne pas taire que derrière la barbarie du régime nazi, il y eut la complicité zélée de la France, par la voix du Maréchal Pétain.

Mais je le dis avec tout autant de force : en ces heures sombres, Vichy n’était pas toute la France.

Oui, raconter l’histoire, l’abandon des élites et la collaboration, c’est raconter aussi le courage de ces Français libres qui s’organisèrent, s’armèrent. C’est raconter la bravoure de ces gaullistes, de ces communistes, de ces socialistes qui, au nom de leur engagement politique, combattirent jusqu’au dernier souffle pour refuser la fatalité et l’inacceptable. Raconter l’histoire, c’est parler de ces Justes, de ces hommes, de ces femmes anonymes, de ces villages entiers qui cachèrent des Juifs, qui s’élevèrent publiquement contre l’expression la plus abjecte de l’intolérance. Ces hommes et ces femmes firent l’honneur de la République. Je veux leur rendre hommage au nom de la Nation. Alors aujourd’hui, la mémoire des Justes, comme les drames vécus par nos concitoyens exterminés parce que nés Juifs, confèrent à nos générations le devoir de raviver la flamme. Tel est précisément le sens de cette cérémonie.  Au nom de tous ceux-là, ne laissons jamais personne salir l’image de notre pays, distiller la haine ou le mépris entre les enfants de la République, et importer ici ou là des conflits qui ne justifieront jamais qu’en France, des Français s’en prennent à d’autres Français. Pour que toutes ces morts aient un sens, pour que ces vies brisées prennent leur place dans l’Histoire, il faut que le malheur de cette période n’ait pas été vain. Chérissons la République, donnons-lui toujours plus de force. Car si elle est un rempart contre la barbarie, gardons à l’esprit que ce rempart est fragile. Le combat pour les valeurs républicaines est un combat de chaque instant. Rien ne serait pire que de croire la République définitivement installée et son modèle accepté par tous. Nostalgiques de l’extrême droite, néo-nazis, communautaristes de tous poils, intégristes de toutes confessions : notre pacte social ne manque malheureusement pas d’ennemis. C’est pourquoi il est indispensable d’enseigner l’instruction civique, la laïcité, afin que chaque futur citoyen connaisse les bases de nos institutions et les valeurs qui fondent la République française. De même, il est essentiel, à l’intérieur des programmes d’histoire, non seulement d’enseigner ce que fut la Shoah, mais aussi d’insister sur sa singularité irréductible : ce crime se voulait sans traces, sans témoins et sans tombes.

À l’intérieur de l’école publique, il nous faut lutter avec encore plus de force contre toutes les manifestations, même en apparence anodines, de racisme et d’antisémitisme. Une insulte, un crachat, une gifle… « Trois fois rien » clament certains. Répondons-leur que c’est déjà « trois fois trop ! » Rien de tout cela ne doit passer. Le devoir de mémoire n’est pas l’affaire des seules victimes. Ni des seuls survivants. Et encore moins des seuls Juifs. De la même manière, le devoir de vigilance concerne chacun de nous, Juifs, Musulmans, Chrétiens, Protestants, athées, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas ! Alors pour nous même, pour nos enfants, les enfants de nos enfants et bien après eux, il faut que nous soyons tous, dès à présent et à chaque moment de notre vie, des « résistants du quotidien ».

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