Jeudi après-midi. Jour de permanence dans ma commune du Pré Saint-Gervais. Et, de nouveau, la même question : recevoir ou ne pas recevoir ?
Recevoir ou ne pas recevoir ces femmes, ces hommes, ces jeunes gens, ces personnes âgées du Pré, de Pantin, de Bagnolet ou des Lilas, qui vivent dans des conditions de logement tout bonnement indescriptibles.
Les recevoir, pour quoi faire ? Je n’ai pas le pouvoir de répondre à leur souffrance à court terme. Et d’ailleurs, des commissions se réunissent régulièrement pour attribuer, sur la base de critères objectifs, les logements qui se libèrent. Ce n’est tout de même pas à un député de s’y substituer !
Ne pas les recevoir, et après ? C’est le devoir d’un élu de la République d’être aux côtés de ceux qui en ont besoin. J’ai toujours fonctionné comme ça. Rien ne serait pire que de donner le sentiment de se planquer derrière des lettres-type.
Rendez-vous après rendez-vous, souvent avec pudeur, parfois avec colère, c’est quasiment la même histoire que l’on me raconte : un logement minuscule au regard de la composition de la famille ; des enfants malades tout l’hiver compte tenu de l’humidité qui ronge les murs et les plafonds ; un propriétaire qui rechigne à entreprendre les travaux permettant de remettre l’appartement aux normes ; des revenus qui ne permettent plus d’honorer le loyer, plongeant la famille dans le surendettement ; des gamins qui, « au mieux » ne peuvent pas faire leurs devoirs, et au pire, jouent avec les souris…
Le Pré Saint-Gervais, ce n’est pas « Les Misérables ». C’est un petit coin de Seine-Saint-Denis, scotché à Paris, où les promoteurs sortent de terre des programmes immobiliers à 5 000 € du m2 (rendez-vous compte !) C’est une terre qui rassemble des populations précaires et des bobos fraîchement débarqués de Paris.
Le Pré Saint-Gervais, c’est 70 hectares (la plus petite ville de France) et un peu moins de 17 000 habitants (la plus importante densité de population dans notre pays). C’est une commune populaire, animée, que personne ne voudrait quitter pour rien au monde !
Mais voilà, Le Pré Saint-Gervais, ce sont aussi plus de 1 000 familles inscrites au fichier des mal-logés, et qui peuvent attendre parfois jusqu’à 10 ans, malgré les 47 % de logements sociaux que compte la ville.
La municipalité fait de son mieux. Mais, sans office communal de HLM (la ville est trop petite pour en avoir), il ne peut attribuer qu’une vingtaine de logements par an (une trentaine les bonnes années) ! Le Préfet, lui-même, fait ce qu’il peut avec ce qu’il a.
Alors, recevoir ou ne pas recevoir ? Ces gens-là croient en la politique. C’est sans doute pour cette raison qu’ils ne comprennent pas pourquoi on ne peut leur apporter aucune solution à court terme. Pour ma part, j’interviens auprès du Préfet dès que la situation le justifie. De façon musclée parfois. J’interpelle, j’embête tous ceux qui sont susceptibles de trouver une solution pour ces familles qui souffrent.
Mais telle est la limite de l’exercice de proximité. On peut faire bien des choses à l’échelon local. En revanche, le mal-logement ne peut pas se régler à ce niveau d’intervention. Ceux qui le disent sont des frileux ou des libéraux.
La crise du logement social que nous connaissons dans les grandes agglomérations n’est pas le fait d’un dysfonctionnement des services sociaux ou d’un déficit d’écoute. C’est le résultat d’un manque de volontarisme politique.
Il n’y a pas de politique universelle ou consensuelle du logement. Il y a des politiques de gauche et des politiques de droite.
Le gouvernement nous assène depuis des mois : « Nous avons produit plus de logement social que n’importe quel autre gouvernement ! », clame-t-il. Je vous invite à méditer sur ce chiffre simple : 85% des constructions nouvelles réalisées en 2005 sont inaccessibles aux 2/3 des ménages compte tenu de leur coût. Bref, l’offre de logement vise les populations les plus aisées, sûrement pas celles que je reçois dans mon bureau le jeudi après-midi.
Pour moi, dans le cadre du projet socialiste, au moins 120 000 logements sociaux locatifs doivent être construits chaque année pour rattraper progressivement le retard.
La loi SRU nous a démontré que les pénalités financières qui frappent les maires refusant de se diriger vers l’objectif des 20% de logements sociaux ne suffisent pas. Il faut changer de braquet.
Dans les communes ne respectant pas le minimum prévu de 20% de logements sociaux, l’État – c’est-à-dire le Préfet – doit pouvoir se substituer au maire pour construire.
Il faut aussi mettre le paquet pour les logements d’urgence, afin qu’ils soient dignes, sécurisés, et en nombre suffisant.
Enfin, nous devons mettre en place un « bouclier logement » permettant de limiter le poids du loyer dans le pouvoir d’achat des foyers à revenus modestes.
Telle est ma façon de concevoir le rôle du politique. Nous ne sommes pas là pour accompagner les dégâts du libéralisme, mais pour changer l’ordre des choses. Alors, jeudi prochain, je continuerai à recevoir ces familles. J’interviendrai probablement auprès du préfet pour nous aider à trouver des solutions. Mais je leur expliquerai aussi qu’ils peuvent compter sur moi pour faire que la gauche gagne en 2007 sur des propositions de gauche pour qu’enfin, nous puissions changer leur vie.
Touche à tout, j’ai exercé de nombreux métiers dans ma carrière. Depuis peu, je suis membre actif de plusieurs associations et je m’exerce à l’écriture via ce site et un journal local dans ma région.